Rencontre interreligieuse (2025)
Retour sur la rencontre inter-religieuse avec les représentants de l'IESH (Institut Européen des Science Humaines) qui a eu lieu le dimanche 27 avril 2025 à Château-Chinon avec la présence de notre évêque Mgr Grégoire DROUOT.
La rencontre en images...
Crédit Photos: Équipe Communication | Fabienne Savajols
Retrouvez ces photos en taille réelle dans l'album partagé en ligne
Le texte du Père Jean Baffier
A Château-Chinon Dimanche 27 Avril 2025
Après ces paroles de bienvenue de mon confrère Arockiadoss, votre curé, j'ai le plaisir et l'honneur d'intervenir au titre de la mission qui m'est confiée dans notre diocèse.
Merci, Monseigneur Grégoire Drouot.
Permettez-moi de commencer par remercier sincèrement Monsieur le Docteur Larabi Bécheri pour les vœux qu'il m'a adressés ainsi qu'à la Communauté catholique pour la Fête de Pâques et pour son message de solidarité et de condoléances à l'annonce du décès de notre cher Pape François qui nous a si bien balisé, par ses paroles et ses actes, le chemin du dialogue interculturel et interreligieux, sur lequel nous sommes toutes et tous ici engagés.
Nous vivons dans une république laïque -ce qui ne veut pas dire anti-religieuse - où nous sommes toutes et tous des citoyens, nous devons donc nous considérer d'abord comme des êtres humains égaux, libres et fraternels. Mais, dans une France de tradition chrétienne qui compte aujourd'hui dans les 6 millions de citoyens de confession musulmane, l'actualité fait souvent resurgir l'urgence d'un vrai dialogue interreligieux entre chrétiens et musulmans, et, nous nous réjouissons qu'il en soit ainsi dans cette région du Morvan.
Pour se rencontrer, faire connaissance, dialoguer et agir ensemble, il faut apprendre à fraterniser dans le respect absolu de ce qu'est l'autre avec sa culture, ses convictions ...etc...
Pour nous, chrétiens, il nous faut connaître l'islam sans en rester aux clichés et au visage qu'en donnent certains livres ou certains médias... mais nous devons tous nous efforcer de comprendre l'autre différent par son appartenance à une communauté de croyants qui a ses Écritures et ses traditions.
Cela demande un « présupposé » : croire que l'autre est aussi respectueux de moi que j'essaie de l'être de lui. Il s'agit de se faire confiance, de dépasser les préjugés, les peurs...
tout en approfondissant ses propres convictions, sa propre religion. C'est un effort de vérité, s'exprimer sans tabou, y compris sur ce qui peut mettre à jour nos différences pour découvrir ce que chacun met sur peut-être les mêmes mots.
La Bible et le Coran parlent de Noé, de David, d'Abraham, de Jésus... mais ce ne sont pas les mêmes figures dans nos deux traditions. Quand nos amis musulmans disent que nous sommes tous « des gens du Livre », nous pensons nous que nous sommes des gens de « Jésus-Christ » ... Dire : « Jésus Fils de Marie, Prophète du Dieu UN et Miséricordieux » ce n'est pas tout à fait la même chose que de dire : « Jésus Fils de Marie, Fils du Dieu UN, Miséricordieux et Sauveur de l'Humanité »
Il nous faut échanger sur ce que chacun croit et sur ce que cela change dans sa vie, sans porter de jugement sur la foi ou les actes de l'autre ; cela ne peut que nous provoquer à aller plus profondément dans notre relation avec Dieu.
Notre Pape François - que la Paix soit sur Lui - nous a ouvert la route. Permettez-moi de partager avec vous les étapes qu'il nous fait franchir au cours de son Pontificat, telles que nous les présente Margurite de Lasa dans le journal La Croix du jeudi 24 avril 2025
Parmi ses 57 déplacements dans le monde, 15 de ses voyages furent pour lui l'occasion d'échanger avec des personnalités musulmanes ou d'aborder les Relations islamo-chrétiennes... sans oublier les 25 audiences accordées à des acteurs musulmans.
Le Grand Imam d'Al-Azhar, Ahmed Al Tayeb que le Pape a rencontré plusieurs fois, parle d’un « frère en humanité » et salue « une vie consacrée au service de l'humanité, à la défense des opprimés et au soutien du dialogue interreligieux et interculturel ».
En effet, comme le remarque le Père Jean François Bour (Délégué national pour les relations avec les musulmans de la Conférence des Évêques de France) : « François qui n'a jamais voulu faire de déclaration en surplomb, a adopté une posture nouvelle en prenant les acteurs musulmans comme des partenaires ».
En témoigne le document historique : « La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune » signé en 2019 à Abou Dhabi conjointement par le Pape François et le Grand Imam d'Al-Azhar », je cite « Nous, croyants en Dieu... demandons à nous-mêmes et aux leaders du monde... de s'engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la Paix ».
Comme le remarque le Père Michel Younès (Doyen de la Faculté Théologique de l'Université catholique de Lyon) « pour la première fois un pape fait une déclaration avec le représentant d'une institution musulmane importante en utilisant un « Nous » commun ».
Ce n'est donc plus comme par le passé, des chrétiens qui s'adressent à des musulmans , ou , l'inverse ; Ce sont, dans cette déclaration commune, 2 chefs religieux qui proposent ensemble une parole commune en s'appelant mutuellement « croyants ».
De plus, l'appel à la Fraternité se fait, non plus seulement sur la base de l'humanité commune, mais inclut une reconnaissance de foi, une réciprocité dans la reconnaissance de foi qui est nouvelle. En effet, les 2 chefs religieux écrivent : « le pluralisme et la diversité de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine par laquelle Dieu a créé les êtres humains. »
Remarquons encore que ces deux chefs religieux reconnaissent l'égalité et la dignité de tous et s'affranchissent du vocabulaire de « minorité » et de « majorité ». Cela infléchit la conception juridique traditionnelle musulmane vis à vis des juifs et des chrétiens qui pouvaient être considérés comme ayant un statut différent...
Des questions restent en suspens, des ambiguïtés du texte qui en affirmant la liberté religieuse n'inclut pas forcément la liberté de conscience... L'avenir du Dialogue interreligieux a encore du travail à faire... Mais, le Père Vincent Féroldi, prédécesseur de J-Fr Bour, nous fait remarquer que « ce qui est premier c'est la fraternité humaine et ce qui est second, c'est la croyance ».
Et cela explique ces gestes forts du défunt Pape François, lorsqu'il a lavé les pieds d'une détenue serbe musulmane le Jeudi Saint 2013, ou, lorsqu’en 2016 il ramenait au Vatican des familles réfugiées musulmanes de l'ile de Lesbos.
Par ces gestes et la cosignature de ce document, « le Pape François a replacé la démarche de dialogue interreligieux dans une démarche plus large du Bien commun et de la citoyenneté, avec cette idée que les croyants ne seront crédibles qu'à la condition de ne pas s'occuper simplement de leur propre « chapelle » mais aussi s'ils construisent la cité, en œuvrant notamment en faveur de la paix, de la justice sociale, de l'écologie …
Retenons enfin, avec Vincent Féroldi, comment le Pape François a reconnu et respecté la pluralité des tendances dans l'islam. Si, en effet, le dialogue se faisait jusque-là avec le courant sunnite, il a aussi rencontré et dialogué en 2021, en Irak, avec le grand ayatollah chiite Ali Al Sistani : c'était la première fois qu'un pape rencontrait un tel leader chiite...
Le Pape se voulait être un vecteur d'unité, non seulement pour les chrétiens mais aussi pour toute l'humanité. En 2024 il co-signait un autre document commun avec l’imam de Djakarta en Indonésie, le plus grand pays musulman du monde.
De tout cela nous rendons grâce à Dieu l’Unique et le tout Miséricordieux.
Merci de votre attention et de votre patience et maintenant à vous la parole.
Père Jean-Baffier