Le droit à la forêt dans l’État d’Odisha (Inde)

Géographie et environnement

2022-03-27-droit-foret-256

L’État d’Odisha est un État de l’Est de l’Inde qui s’étend sur 155 707 km2, soit presque 5% de l’aire totale du pays.  La géographie de l’État est très variée : l’Odisha a un littoral de 480 km de long, avec plusieurs grandes rivières importantes, dont les rivières Mahanadi, Brahmani et Baitarni. L’altitude y varie du niveau de la mer jusqu’à plus de 1500 mètres d’altitude. Le climat est majoritairement tropical. Près de la côte bordant la Baie du Bengale, on compte environ 2300 hectares de mangroves. L’État compte aussi de nombreuses zones humides, dont le lac de Chilika, site Ramsar qui s’étend sur une superficie de 1165 km2.

 

Enfin, l’Odisha est l’un des États indiens les plus riches en minéraux, avec 17% des ressources du pays en 2013 et notamment d’importantes réserves de bauxite, de chromite, de charbon, de graphite, de pierres précieuses dont des diamants, de minerai de fer et de nickel.

L’État est très riche en biodiversité. On y compte deux parcs nationaux : le parc national de Simlipal et celui de Bhitarkanika. A ces derniers d’ajoutent 19 sanctuaires de faune sauvage (Wildlife Sanctuaries), qui couvrent 5% de l’aire totale de l’État ; deux réserves de tigres, deux réserves d’éléphants, une réserve de biosphère et sept zones importantes pour les oiseaux et la biodiversité (Important Bird and Biodiversity Areas). La flore y est très diverse avec plus de 2700 espèces de plantes, dont de nombreuses espèces d’arbres (bambou, teck, sal) et 750 espèces de plantes médicinales. La faune est également très variée en raison de l’existence de différents types de forêts et d’habitats. On compterait 87 espèces de mammifères, 473 espèces d’oiseaux, 131 espèces de reptiles et 600 espèces de poissons en Odisha. Parmi les 432 espèces en danger dans l’État, on compte le gavial (une espèce de crocodile), le vautour indien, le tigre, le chat viverrin (aussi appelé chat pêcheur, qui vit dans les zones humides), ainsi que certaines espèces d’oiseaux, de poissons et de plantes endémiques. Des efforts de conservation sont également faits pour protéger les populations de loutres d’Europe et d’Asie présentes dans l’État. Selon les données de l’India Forest Survey de 2019, le couvert forestier représente 61 204 km2, soit 37% de la surface totale de l’État d’Odisha. 58% de ces forêts sont des « forêts réservées » et 41% des « forêts protégées ».

 

Les Adivasis et autres habitants traditionnels des forêts en Odisha

Selon les estimations, la population de l’État s’élèverait de 46 à 47 millions d’habitants en 2021. En 2011, 83% de la population vivait en zone rurale, et parmi les ruraux on dénombrait plus de 8 millions de personnes appartenant à la catégorie des « Scheduled Tribes » (adivasis, populations « tribales »), ce qui représentait 23% de la population de l’État et presque 10 % de la population adivasi du pays. Il existe des inégalités spatiales et sociales très prononcées en Odisha : entre les zones côtières développées et les autres régions, mais aussi entre populations adivasis particulièrement opprimées et le reste des groupes sociaux.

On compte 62 communautés adivasis au sein de l’État. Les populations adivasis et les habitants traditionnels des forêts ont subi de nombreuses injustices au cours de leur histoire en Odisha. Lors de la période coloniale, le Forest Act de 1927 classe les aires forestières en trois types : forêts réservées, forêts protégées et villages forestiers. Cette loi a longtemps déterminé des régimes de contrôle et d’accès aux terres forestières. Les forêts réservées ont été placées sous le contrôle direct du gouvernement via les Départements des Forêts, et ont été interdites aux populations locales avec de nombreux abus de la part des autorités, tandis que les droits d’accès étaient légèrement plus flexibles pour les forêts protégées et les villages forestiers. Dans les années 1990, lors de l’application du modèle de gestion conjointe des forêts (Joint Forest Management) en Odisha, de nouvelles institutions sont formalisées par le Département des Forêts.

À travers l’histoire, les habitants traditionnels des forêts ont pourtant conservé, géré et protégé leurs ressources naturelles collectivement et de manière autonome, avec leurs propres régimes et institutions. Cela n’a pas empêché les déplacements forcés et l’aliénation de leurs terres ancestrales pour la mise en place de parcs naturels, de sanctuaires de faune sauvage, de réserves de tigres et autres projets de conservation. En outre, l’extraction des minerais dans l’État a eu un impact dévastateur sur les communautés, l’écologie, la biodiversité et les forêts. Le détournement des terres forestières pour l’exploitation minière a mené a des phénomènes massifs de déforestation et de déplacements, tout en menaçant grandement la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations qui dépendent de la forêt et de la collecte de produits forestiers non ligneux. Aujourd’hui encore, les populations adivasis et les habitants traditionnels des forêts sont les plus touchés.par les phénomènes de malnutrition et de pauvreté. Les communautés manquent d’accès aux services sociaux et aux infrastructures de base pour l’éducation et la santé.

 

La lutte pour les droits à la forêt en Odisha

En Odisha, les populations adivasis et les habitants traditionnels des forêts sont concentrés dans les « Fifth Scheduled Areas », des aires répertoriées qui jouissent d’une plus grande autonomie en termes de gouvernance, et couvrant presque 45% de l’aire géographique de l’État. Leurs droits sont protégés par la loi PESA (Panchayats Extension to Scheduled Areas Act, 1996), qui assure l’autonomie et l’auto-gestion des populations au sein de ces zones via les Gram Sabhas (assemblées villageoises regroupant l’ensemble des personnes majeures inscrites sur les listes électorales) et les Panchayats (conseils élus qui représentent les populations). Entre autres provisions, la loi PESA stipule que les Gram Sabhas et/ou les Panchayats doivent être consultés lorsqu’il y a acquisition de terres pour des projets de développement (projets d’extraction minière, par exemple). Les instances de gouvernance locale peuvent également réclamer la restitution des terres accaparées à tort devant les tribunaux.

L’autre texte de loi qui protège les adivasis est le Forest Rights Act de 2006. Cette loi reconnaît les injustices historiques subies par les communautés forestières (adivasis et autres habitants traditionnels des forêts) en Inde et leur permet d'affirmer individuellement et collectivement leurs droits de propriété sur les terres, le droit de vivre, de cultiver et de faire paître, l'accès et la collecte des produits forestiers non ligneux et la préservation des ressources forestières communautaires. La loi renforce également la légitimité de la gestion forestière au niveau des villages à travers les Gram Sabhas et les Gram Van Adhikar Samiti (comités villageois de gestion des forêts) et stipule qu'aucune terre forestière ne doit être détournée et qu'aucun déplacement ne doit se produire sans le consentement libre et éclairé des Gram Sabhas. Dans le contexte du Forest Rights Act, les aires réservées et protégées sont considérées comme des terres forestières, où les droits collectifs et individuels des populations locales à l’auto-gestion, l’utilisation et la protection des ressources forestières et de la biodiversité sont reconnus.  

L’application de ces deux lois constitue toujours un défi pour les communautés forestières et les organisations de la société civile, notamment à cause de la persistance de l’application des anciennes lois de gestion des forêts comme l’Indian Forest Act, mais aussi en raison d’une mauvaise répartition des pouvoirs entre institutions issues des communautés (Gram Sabhas, comités villageois des droits forestiers) et institutions dirigées par l’État (Départements des Forêts, VSS